Une colonne de feu est le troisième roman historique écrit par Ken Follett pour sa Fresque de Kingsbridge, il est paru en 2017. Il se lit à nouveau totalement indépendament des deux précédents, avec des références encore plus ténues aux deux premiers volumes. On y retrouve surtout les lieux emblématiques de la ville de Kingsbridge. La cathédrale, bien entretenue, s'élève toujours altière et solide, symbole de pierre de la ville vivante, avec l'ange de pierre qui veille sur la ville de puis le sommet de la flèche, la légende racontant qu'il a été sculpté avec les traits de Caris, celle qui aurait sauvé la ville au moment de la peste noire et fondé l'hôpital qui porte son nom, sur l'île dite aux Lépreux. Par contre, le prieuré de Kingsbridge, qui se dressait du côté sud de la cathédrale, tombe en ruine depuis que le roi Henri VIII avait dissous les monastères suite à sa réforme protestante. Et grâce au pont de Merthin, la ville, autrefois limitée au sud par le fleuve, s'est développée en un vaste faubourg de l'autre côté du cours d'eau. Voilà pour les liens avec les volumes précédents.
Contrairement à Un monde sans fin où le fond historique influence moins les destins des personnages, Une colonne de feu est principalement alimenté par les évènements historiques importants de la deuxième moitié du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle. Ken Follett décrit les faits historiques connus de cette période mouvementée de l'histoire tout en les ajustant dans la mesure nécessaire pour que ses personnages de fiction y jouent un rôle significatif. L'ensemble du récit est dominé par les tensions ou les affrontements entre catholiques et protestants surtout en Angleterre et en France, mais aussi dans le reste de l'Europe. Le récit se centre aussi essentiellement sur le règne d'Elisabeth 1re en Angleterre, décrivant les évènements qui ont précédé et permis son accession au trône, et se terminant par quelques éléments concernant sa succesion, le roi Jacques VI d'Ecosse devenant le roi Jacques 1er d'Angleterre en 1603, inaugurant ainsi la dynastie des Stuart.
D'autres moments historiques importants émaillent le récit. On assiste ainsi à la mort du roi Henri II de France dans un accident de joute, évènement traumatisant qui a préparé le terrain pour des décennies de guerre de religion françaises. Cela mènera notamment au massacre de la Saint-Barthélemy, en 1572, au cours duquel des foules catholiques ont massacré des milliers de protestants à Paris. L'auteur, tout en attribuant la planification du massacre au retors Pierre Aumande, met bien en évidence les diverses tensions qui ont mené à ce tragique évènement : les déchirements de la noblesse française entre catholiques et protestants, la guerre d'influence entre la puissante maison de Guise, dont Pierre Aumande serait un agent influent, et le clan des Châtillon-Montmorency, l'hostilité de la population parisienne à la politique royale d'apaisement qui avait mené à réintégrer l'amiral de Coligny, chef du parti protestant, au conseil royal, et enfin les tensions internationales entre les royaumes de France et d'Espagne, avivée par l'insurrection anti-espagnole aux Pays-Bas. Ce massacre fait aussi suite au mariage controversé entre Marguerite de Valois, dite Margot, fille du roi Henri II, avec le prince protestant Henri de Navarre, futur Henri IV, ainsi qu'à une tentative d'assassinat contre l'amiral de Coligny fomenté par la famille de Guise qui veut ainsi venger la mort du duc François de Guise assassiné neuf ans auparavant sur l'ordre, selon eux, de Coligny.
On suit aussi le destin de Marie Stuart, soutenue par la famille de Guise dont elle est parente. Mariée au dauphin François en 1558, elle devient reine de France à la mort de Henri II, mais François II meurt un an après son père. Elle décide alors de retourner en Ecosse, où elle avait été nommée reine à la mort de son père Jacques V, alors qu'elle n'avait que 6 jours. Mais reine catholique dans un pays devenu protestant, Marie est traitée avec défiance. Un premier remariage lui donne un fils, le futur Jacques VI. Un second remariage précipite sa chute : elle est emprisonnée et abdique en faveur de son fils, alors âgé d'un an. Elle s'évade et tente de retrouver son trône, en cherchant l'appui de sa cousine, la reine Elisabeth d'Angleterre. Mais cette dernière la perçoit comme une menace puisque Marie est considérée comme l'héritière légitime du trône d'Angleterre par les catholiques. Dans le roman, c'est Ned Willard, devenu d'abord l'assistant de William Cecil puis travaillant pour les services secrets de la reine Elisabeth, qui sera impliqué dans la gestion des divers emprisonnements de Marie puis dans la recherche de preuves de complot contre Elisabeth 1re, ce qui mènera à l'exécution de Marie en 1587.
Peu après, on assiste à la tentative de l'Invincible Armada, par laquelle le roi Philippe II d'Espagne a cherché à conquérir l'Angleterre. Ken Follett attribue à nouveau à Ned Willard deux importantes contributions à la victoire anglaise. Le dernier évènement historique important du récit est la Conspiration des Poudres en 1605, dans laquelle des conspirateurs catholiques ont tenté de faire sauter le Parlement d'Angleterre pour tuer d'un seul coup le roi Jacques 1er, récemment intronisé, ses deux fils et ses principaux ministres et conseillers. Ken Follett attribue à l'antagoniste du livre, le fervent catholique Rollo Fitzgerald, le rôle d'initiateur du complot, et à nouveau à Ned Willard le soin de le déjouer.
On le voit, la recherche historique de l'auteur a cette fois été très ambitieuse. On retrouve dans le roman les ingrédients qui ont fait le succès des deux premiers volumes : une multiplicité de personnages qui interagissent, des lieux variés puisqu'on passe de l'Angleterre à la France, de l'Espagne aux pays-Bas, et de multiples rebondissements du récit. Les caractères des personnages sont plus nuancés, chacun essayant au mieux de trouver sa place dans cette époque révolutionnaire et mouvementée. Ken Follett réussit à décrire les réactions et les décisions de chaque camp de manière neutre, sans prise de position. La question protestante est de plus traitée différemment selon le pays dans lequel on se trouve, et l'auteur passe régulièrement de l'un à l'autre. C'est donc à la fois une lecture passionnante et instructive.