Les carnets de PiPhie

 
Le palanquin des larmes, Chow Ching Lie, aux éditions J'ai Lu


Chow Ching Lie est née en Chine, à Shangaï, en 1936. Elle est née dans une Chine encore féodale où il ne faisait pas bon vivre et où naître fille est synonyme d'une vie future passée à obéir et à servir.
Elle a pourtant grandi à Shangaï d'abord entourée de l'affection d'un père dont elle était l'enfant préférée mais qui a veillé à lui inculquer les principes de la morale chinoise traditionnelle alors même qu'il avait lui-même reçu une éducation à l'occidentale. Elle vivait enfant dans une certaine aisance mais où le souvenir de la misère restait présent.
En effet, le grand-père paternel de Chow Ching Lie, Tsou Hon, était un pauvre colporteur de Canton. Il est né à la fin du siècle précédent à Thao-tcheou, une bourgade située à une centaine de kilomètres de Canton, et sans doute un des lieux les plus misérables et les plus arriérés en Chine. La misère avait donné à ses habitants une réputation d'être économes jusqu'à l'avarice, avares jusqu'à l'absence de tout sentiment humain. Tsou Hon est né alors que régnait encore sur la Chine la redoutable impératrice Tseu-Hi. Bien qu'il fut très pauvre, Tsou Hon se maria à 18 ans et habita Tchao-tcheou avec son épouse. La misère et les difficultés de la vie incitèrent les deux époux à tenter leur chance à Shangaï. Située à 1200 km de Canton, Shangaï était déjà une grande ville de trois millions d'habitants dont la richesse s'était construite sur l'opium d'abord, puis le thé et la soie. De plus, on y voyait des Blancs et c'était là qu'ils étaient en plus grand nombre, dans leurs quartiers qu'on appelait des concessions. Shangaï avait deux visages, celui des quartiers étrangers aux édifices modernes impressionnants, et celui de la Chine traditionnelle aux maisons serrées auxquelles se mêlaient des baraquements ou des huttes. C'est là que Tsou Hon, à qui son cousin avait donné l'hospitalité vécut avec sa jeune femme, le bébé qu'ils avaient déjà eu à Canton et le jeune frère de Tsou Hon. Sur le fourneau de la cuisine, on préparait le menu des pauvres : de la soupe de riz très diluée, des légumes salés, surtout des navets, parfois un gruau de sorgho. Un jour le bébé tomba dans la marmite de riz et périt ébouillanté, ce sont des choses qui arrivent chez les pauvres.
Tsou Hon eut successivement trois autres fils. A force de travail acharné, de courage et d'ingéniosité, Tsou Hon finit par mettre assez d'argent de côté pour s'acheter une petite épicerie. Mais il fallait continuer à vivre le plus chichement possible et se priver de tout afin que les fils puissent sortir de la misère qu'avait connue leurs parents. Et le deuxième fils, Chow Wei Hi, celui qui sera le père de Chow Ching Lie, devint un garçon intelligent et doué. Il put faire des études, il s'assoira même sur les bancs de l'université américaine Hon Kiang, la plus importante de Shangaï.
Wei Hi avait été fiancé dès l'âge de 6 ans à Canton, où son père était retourné pour y construire sa maison, son épicerie ayant prospéré en quelques années. Wei Hi et son jeune frère furent remarqués par une veille marieuse qui convainquit Tsou Hon de fiancer son fils à une petite fille de 4 ans dont la mère était veuve. Mais la petite fiancée, Tsong Hai, resta à Canton où, après quelques années à l'école primaire, elle apprendra à la maison à devenir une épouse obéissante, à s'occuper de son mari, de ses enfants et de sa maison. La différence entre les futurs époux s'accentue : Tsong Hai est élevée à Canton comme une petite paysanne tandis que Wei Hi, fréquentant l'université américaine, devient un jeune bourgeois pénétré par les idées occidentales. A 18 ans, Wei Hi épouse Tsong Hai qui a alors 16 ans.
Douze ans avant leur mariage, en 1911, des troubles politiques avaient renversé à jamais le trône de la dynastie Tsing. La république fut proclamée aussitôt et le révolutionnaire et libérateur Sun Yat-sen devint le premier président. Mais la Chine n'est pas encore assez mure, la misère et le chaos règnent, le pays est menacé par les ambitions japonaises et dépecé par les Tou Kiun, les "seigneurs de la guerre". Peu après le mariage, en 1925, Sun Yat-sen mourut, laissant en héritage le Parti du Peuple, le Kouo-min-tang. Les destinées de ce mouvement sont alors prises en main par le militaire Tchang Kaï-chek.
En Chine, il est d'usage que les jeunes mariés s'installent dans le foyer des parents du mari, et la jeune épouse devint alors automatiquement la servante de ses beaux-parents. Alors que Wei Hi poursuivait ses études et fréquentait une jeunesse aisée, parcourant les belles avenues de Shangaï aux noms à la fois chinois et anglais, Tsong Hai restait à la maison et, dès 5 heures du matin, remplissait toutes les tâches ménagères d'une femme chinoise traditionnelle. C'étaient des journées harassantes qui se suivaient sans répit. Même quand elle fut enceinte pur la première fois, il ne fut pas question qu'elle cessa de travailler. Heureusement elle eut un fils, Chow Ching Son, ce qui lui donna un petit moment de prestige et de répit. Un fils était un signe de chance, il aidait ses parents de bonne heure et représentait de l'argent, tandis qu'une fille signifiait travailler à fonds perdus car seule en profiterait sa future belle-famille qu'elle était destinée à servir. Mais Tsong Hai continua à servir ses beaux-parents, traitée durement par sa belle-mère. Elle eut deux autres enfants, deux filles qui moururent rapidement. Tsong Hai tomba alors gravement malade mais une vision l'incita à devenir bouddhiste et elle guérit.
Wei Hi, ayant fini ses études, rêvait de construire une école. Tsou Hon, voyant là une source de profit, consentit à donner à son fils tout l'argent qu'il avait péniblement accumulé. L'école secondaire fut construite dans la banlieue de Shangaï. L'état de santé de Tsong Hai et la perte cruelle de ses deux filles finirent par adoucir un peu sa belle-mère. Tsong Hai put vivre avec son mari dans l'appartement de l'école et tomba enceinte une quatrième fois. Au bouddha Kouan Yin, Tsong Hai demanda ardemment une fille belle et intelligente, et possédant assez de qualités pour ne pas dépendre plus tard de son mari. C'est ainsi que naquit Chow Ching Lie, le 26 août 1936, provoquant chez sa grand-mère une colère très violente que ce ne soit pas un fils, et chez son père un immense bonheur et un grand amour...
Le palanquin des larmes est un récit autobiographique écrit par l'écrivain français Georges Walter. Il a recueilli l'histoire de Chow Ching Lie, qui se fera plus tard appeler Julie quand elle ira vivre en France. Le récit aborde la vie traditionnelle des chinois et la condition des femmes en pleine évolution de la société chinoise avec la guerre sino-japonaise, la guerre civile et la révolution Maoïste. L'histoire de Chow Ching Lie nous fait pénétrer dans l'intimité d'une famille chinoise où cohabitent trois générations. Tous les détails d'une vie quotidienne traditionnelle nous sont racontés, qu'il s'agisse des moeurs ou des croyances, des relations essentielles et immuables entre les parents et les enfants, voire même des habitudes alimentaires ou des remèdes de grand-mère.
D'une famille de la petite bourgeoisie, Chow Ching Lie est choyée par son père, qui devra délaisser l'enseignement pour devenir agent de change, et par son grand frère Chow Ching Son, qui sera le héros de son enfance et lui apprendra la "boxe de singe" pour se défendre. Sa mère est plus sévère mais s'occupe bien de ses enfants, Ching Lie aura encore une plus jeune soeur et deux frères. Ching Lie suit sa scolarité dans une école britannique, la famille habitant dans la concession française de Shangaï. Elle découvre le piano, un instrument dans lequel elle excelle rapidement, elle deviendra d'ailleurs une pianiste de talent.
Mais cette enfance heureuse va prendre fin quand Ching Lie, choisie pour sa beauté exceptionnelle, est mariée de force à 13 ans au fils de la plus riche famille de Shangaï. Elle monte dans le palanqui fleuri qui doit la conduire à sa belle-famille, pour elle ce sera le palanquin des larmes. Elle devra faire face à une belle-mère traditionnelle qui entend lui faire respecter à la lettres les coutumes chinoises. Et cela en plein moment de l'ascension de Mao Tsé Toung dont la révolution mène à l'abolition des mariages imposés et à la libération de la femme chinoise.
L'histoire de Chow Ching Lie, c'est l'histoire des traditions et des coutumes ancestrales chinoises, une culture minutieusement décrite avec notamment les défis oppressants auxquels font face les femmes chinoises.  Et en parallèle, on vit avec Chow Ching Lie la fin d'un monde chinois féodal, la main-mise sur la Chine de Tchang Kaï-Chek et de la corruption qui l'accompagne, l'invasion japonaise et les brutalités qui en découlent, et enfin la révolution de Mao Tsé Toung.

Le roman a connu deux suites. D'abord le Concerto du fleuve jaune où Chow Ching Lie reprend le fil de son récit là où il s'est arrêté à la fin de son premier roman. Après la mort de son mari et après avoir subi des difficultés familiales, elle décide, à 28 ans, de s'embarquer pour Paris où elle est acceptée comme élève à l'académie Marguerite Long, suite aux enregistrements de piano qu'elle a pu envoyer. Elle doit d'abord laisser en Chine ses deux enfants. Elle débarque à Paris sans connaître personne et sans savoir un mot de français. Avec courage et talent, elle se fera une place tout en restant attachée à sa Chine natale dont elle suit les profondes mutations.

Ensuite, Dans la main de Bouddha où à la suite de son histoire se mêle une dimension spirituelle par son attachement à la foi bouddhiste.
 
 



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